Quelques remarques sur la corrélation entre les quatre discours de Lacan et la théorie freudienne du développement libidinal
Cet article est pour présenter une petite idée que j’ai eue à partir du schéma que Lacan nous présente au commencement de la séance du 19 juin 1963 de son Séminaire X L’angoisse (à la page 341 de la version du Seuil).
À partir de là, je fais quelques remarques : 1) ce schéma-là correspond au processus dialectique du trou du sujet $ que Lacan formalise avec les quatre discours, excepté la phase conclusive qui est le discours de l’analyste ; 2) à la phase phallique qui se situe là au sommet central, correspond la structure du discours du maître qui est une formalisation lacanienne de la phase archéologique de l’Histoire de l’être ; 3) à partir de là, la structure peut régresser aux stades prégénitaux, auxquels correspond la structure du discours de l’hystérique où le trou du sujet $ est obturé par l’objet a ; 4) et aussi à partir de la phase phallique, la structure peut « progresser » au stade scopique et au stade de la voix (le surmoi), auxquels correspond le discours de l’université où le trou du sujet $ est obturé par le surmoi (le signifiant maître S1) et où l’objet a dans le fantasme se situe au le bord du trou du sujet $ ; 5) le mythe de la horde primitive et du meurtre de l’Urvater que Freud nous présente dans son Totem et tabou est une mythification du passage « progressif » du discours du maître au discours de l’université.
Quand Lacan nous présente « les schèmes structuraux des quatre discours » dans la dernière page de sa Radiophonie (cf. Autres écrits, p.447), il y ajoute ces remarques : « le discours du maître s’éclaire par régression au [1] discours de l’hystérique » et « le discours de l’université s’éclaire de son progrès dans le discours de l’analyste ».
[1] On trouve à la page 447 des Autres écrits ceci : « par régression du discours de l’hystérique », mais il nous faut lire ceci : « par régression au discours de l’hystérique », puisque à la page 436 Lacan dit du discours du maître ceci : « C’est d’un effet de régression que s’opère le passage [ du discours du maître ] au discours de l’hystérique ». Ainsi c’est bien le passage du discours du maître au discours de l’hystérique qui est une régression, non pas le contraire.
Donc les quatre discours sont dotés d’une orientation : le progrès consiste dans la transformation de la structure du discours de l’hystérique en celle du discours du maître, la transformation de la structure du discours du maître en celle du discours de l’université et la transformation de la structure du discours de l’université en celle du discours de l’analyste ; et la régression consiste dans les transformations inverses.
Et ce terme « régression » nous suggère que Lacan pense à une certaine analogie entre les quatre discours et les stades du développement libidinal dont Freud suppose qu’il part du stade oral et, en passant par le stade anal, arrive à la phase phallique ou à l’organisation génitale [2] où les pulsions partielles prégénitales seraient unifiées sous le primat du phallus pour que la pulsion sexuelle puisse servir à la procréation en tant que sa finalité.
[2] Il y a une ambiguïté chez Freud en ce qui concerne la position de l’organisation génitale : soit il la situe avant la période de latence (c’est-à-dire l’organisation génitale infantile), et dans ce cas-là elle coïncide avec la phase phallique, soit il la situe après la période de latence (c’est-à-dire l’organisation génitale finale), et dans ce cas-là elle est le stade final de maturation de la pulsion sexuelle, dans lequel sa finalité de procréation est réalisable. De toute façon, la phase phallique et l’organisation génitale se caractérisent, toutes les deux, par le primat du phallus, sous lequel s’unifieraient les pulsions partielles prégénitales.
Alors, quelle serait la corrélation entre les quatre discours et les stades du développement libidinal ?
La réponse nous en est suggérée par le schéma des « formes stadiques de l’objet » que Lacan nous présente au commencement de la séance du 19 juin 1963 de son Séminaire sur l’angoisse, et ce pour nous expliquer la structure obsessionnelle.
Dans ce schéma-là, la flèche part du stade oral (les seins) et monte, en passant par le stade anal (l’excrément), vers le sommet qui consiste dans la phase phallique ou le manque phallique ( − φ ), c’est-à-dire l’impossibilité (le réel en tant que ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire) du phallus Φ sous le primat duquel réaliserait l’organisation génitale [3]. Et à partir de là, elle descend, en passant par l’étage scopique (le regard) ou la formation du fantasme (l’imaginaire), pour aboutir à l’étage de la voix ou à l’institution du surmoi et de l’idéal du moi (le symbolique).
[3] L’impossibilité du phallus Φ sous le primat duquel réaliserait l’organisation génitale ou la phase phallique, autrement dit le fait que ce phallus Φ est un signifiant qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est ce que veut dire la formule lacanienne : « il n’y a pas de rapport sexuel ».
Dans ce schéma-là, il serait naturel de supposer que le vecteur ascendant indique le progrès et que le vecteur descendant la régression, mais ce n’est pas si simple que cela, puisque Lacan y ajoute ces remarques : « dans une régression il y a une face progressive » et « dans tout accès progressif au stade ici posé comme supérieur, il y a une face régressive ».
Là, nous trouvons quelque chose de nouveau chez Lacan par rapport à Freud. Ce dernier croit qu’un enfant peut atteindre vers 5 ans – c’est-à-dire à l’apogée du complexe d’Œdipe – le stade de l’organisation génitale ou la phase phallique, et qu’il régresse de là aux stades prégénitaux à cause de l’interdiction de l’inceste ou à cause de l’angoisse de castration, ces deux éléments – l’interdiction de l’inceste et le complexe de castration – étant intrinsèques au complexe d’Œdipe.
En revanche, Lacan dit que la flèche qui descend à partir de la phase phallique pour aboutir au surmoi, est à la fois régressive et progressive : régressive pour autant qu’elle va du génital (le phallus) au prégénital (l’objet a : le regard et la voix), et progressive pour autant qu’elle arrive à l’institution de l’instance nouvelle que sont le surmoi et l’idéal du moi.
Alors, quelle serait la relation entre la phase phallique et le surmoi ? Freud nous en donne la clef de la réponse par cette thèse qu’il nous avance dans Le moi et le ça : le surmoi est l’héritier du complexe d’Œdipe.
Comme on le sait, Freud traite de la question de savoir comment on passe de la phase phallique à la formation du surmoi aussi bien dans Le moi et le ça que dans Le déclin du complexe d’Œdipe, mais pour notre part, nous interprétons la formule freudienne : « le surmoi est l’héritier du complexe d’Œdipe » de façon topologique.
Du point de vue topologique que Lacan nous enseigne, nous dirons ceci : l’instance du surmoi est instituée à la place du phallus impossible Φ (qui ne cesse pas de ne pas s’écrire) pour obturer le trou du ( − φ ), que Lacan dans la séance du 26 juin 1963 de son Séminaire sur l’angoisse appelle aussi « le trou central », « le trou phallique au centre du génital », « la béance centrale du désir phallique » et « le trou castratif », c’est-à-dire le trou central et fondamental du non-rapport sexuel [4].
[4] Lacan dira au commencement de la séance du 11 avril 1978 de son Séminaire XXV Le moment de conclure ceci : « J’ai énoncé – en le mettant au présent – qu’il n’y a pas de rapport sexuel. C’est le fondement de la psychanalyse ». L’expression « le trou du non-rapport sexuel » est utilisée par Lacan dans la séance du 15 avril 1975 de son Séminaire XXII R.S.I.
Alors les trois instances de la seconde topique de Freud sont situables dans la structure de l’aliénation et celle du discours de l’université de façon suivante :
Si j’ajoute une remarque sur ce que Lacan dit dans la séance du 15 décembre 1965 (Le Séminaire XIII L’objet de la psychanalyse) au sujet du schéma de l’aliénation et du « trou du manque de l’objet a », je dirai ceci : que dans la topologie de l’aliénation, l’objet a fait le bord du trou de sorte qu’il peut se présenter lui-même comme un trou.
Si nous projetons la structure de l’aliénation sur le plan projectif (le cross-cap, ou, comme Lacan l’appelle dans L’Étourdit [cf. Autres écrits, pp.471ff.], l’asphère) qui se forme par l’identification du bord du disque (qui est homéomorphe à la sphère trouée) et de celui de la bande de Möbius, l’objet a fait le bord de la bande de Möbius, et le S1 est ce qui obture le trou.
Les deux éléments qui composent le plan projectif (le cross-cap, l’asphère) : la sphère trouée qui est homéomorphe au disque, et la bande de Möbius. On obtient le plan projectif par l’identification du bord du trou avec celui de la bande de Möbius.
Par sa position au bord du trou dans la structure de l’aliénation (qui est aussi la structure du discours de l’université), l’objet a (vert) fait la fonction de joindre l’une à l’autre ces trois surfaces : la sphère trouée (bleu), la bande de Möbius (rouge) et la surface de ce qui obture le trou (jaune).
Cette fonction de joindre les trois surfaces se retrouve dans la fonction du quatrième rond de ficelle dans le nœud borroméen à quatre, qui noue les trois autres de façon borroméenne. Lacan appelle cette fonction du quatrième rond « nodalité » dans son Séminaire XXI Les non-dupes errent et « nomination » dans son Séminaire XXII R.S.I.
Maintenant, nous sommes prêts à présenter le schéma suivant qui est une schématisation topologique des quatre discours :
Si je les explique de nouveau, primo, le domaine bleu correspond à la place de l’agent des quatre discours et à la sphère trouée (parmi les composants du plan projectif), et sa fonction est la consistance (l’imaginaire) ; secundo, le domaine rouge correspond à la place de la production et à la surface möbiusienne, et sa fonction est l’ex-sistence (le réel en tant que ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire) ; tertio, le domaine jaune correspond à la place de la vérité et au trou fondamental du non-rapport sexuel (qui est obturé par ce qui s’installe dans la place de la vérité), et sa fonction est la différence (le symbolique) ; et quarto, le bord vert correspond à la place de l’autre des quatre discours. Il est à la fois le bord de chacun des trois domaines et ainsi les joint l’un à l’autre. Et sa fonction est la nodalité (le réel en tant que ce qui ne cesse pas de s’écrire) qui noue de façon borroméenne les trois ronds du réel (en tant que ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire), du symbolique et de l’imaginaire, ou la nomination qui donne à ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire un nom qui ne cesse pas de s’écrire.
Les trois flèches (deux flèches de « progrès », une desquelles va du discours du maître au discours de l’université et une autre va du discours de l’université au discours de l’analyste, et une flèche de régression qui va du discours du maître au discours de l’hystérique) indiquent que le point de départ est le discours du maître. En effet, quand il nous présente les quatre discours dans la première séance de son Séminaire XVII (1969-1970), Lacan nous dit que le discours du maître en est la « première forme ».
Mais, plus précisément, en quel sens le discours du maître est-il le premier parmi les quatre ? C’est en ce sens-ci : que le discours du maître correspond à la phase archéologique de l’Histoire de l’être [5].
[5] « Die Geschichte des Seyns » est le nom que Heidegger a donné en 1938 à son penser de l’être (das Denken des Seyns). Dans ses « cahiers noirs » de l’après-guerre, il écrit souvent « die Geschichte des Seyns » en barrant le mot « Seyn » d’une croix (das durchgekreuzte Seyn) pour indiquer qu’il s’agit là du fondement abyssal (Ab-grund) sur lequel se fonde l’ontologie à son insu (puisqu’elle l’a forclos à son commencement chez Platon ou chez des présocratiques). Du point de vue topologique, nous appelons cet Ab-grund des Seyns « trou de l’être » et « trou du sujet $ ». Comme je l’ai déjà dit ailleurs, il est très probable que Lacan a inventé son mathème du sujet barré $ à partir du « Sein » qui se trouvait dans l’article de Heidegger Zur Seinsfrage (1955). Nous appelons das Denken des Seyns de Heidegger « ontologie apophatique », puisqu’il ne s’agit plus là de l’être métaphysique mais bien du trou de l’être.
Si je présente cette Histoire de l’être d’une façon topologique, j’y distingue ces trois phases : 0) la phase archéologique, 1) la phase métaphysique et 2) la phase eschatologique. Dans la phase archéologique, le trou du sujet $ était ouvert. Au moment du commencement de la phase métaphysique, ce trou du sujet $ est obturé par le signifiant maître S1 [6] qui par là refoule le trou du sujet $ dans la localité de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire (l’impossible). Dans la terminologie freudienne, nous pouvons dire Urverdrängung (archirefoulement) du sujet $, et dans la terminologie lacanienne la forclusion du sujet $.
[6] Le premier S1 dans l’histoire de la philosophie serait ou bien le Ἕν héraclitien ou bien l’ἰδέα platonicienne – Heidegger n’est pas tranchant là-dessus.
En corrélation avec cet archirefoulement du trou du sujet $ dans la localité de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire (l’impossible), l’objet a se multiplie en tant que ce qui ne cesse pas de s’écrire (le nécessaire) au bord du trou pour porter les traces du sujet $ archirefoulé.
Enfin vient la phase eschatologique qui commence à la fin de l’âge classique (la fin du XVIIIe siècle) où l’obturation du trou par quelque chose de métaphysique et d’idéal (S1) s’annule sous l’effet des discours de la science et du capitalisme de sorte que le trou du sujet $ va surgir comme une béance.
Mais il y a des résistances véhémentes contre l’ouverture du trou du sujet $, parce que ce trou a la signification angoissante de la mort, du néant et du péché originel. La résistance s’exerce soit par l’installation de nouveaux signifiants maîtres S1 pour obturer de nouveaux le trou, soit par la multiplication indéfinie de l’objet a au bord du trou pour le dissimuler.
En conséquence, il y a des va-et-vient indéfinis entre la structure de l’aliénation et celle de la séparation, ce que Lacan appelle « pulsation temporelle » dans son Séminaire XI et dans son écrit Position de l’inconscient.
Aujourd’hui, nous sommes encore dans cette phase eschatologique de l’Histoire de l’être. De nouveaux signifiants maîtres S1 deviennent de plus en plus paranoïaques, et l’objet a ne cesse pas de s’écrire sous les formes diverses de plus-de-jouir et de plus-value.
Alors, nous pouvons mettre en corrélation cette conception heideggérienne de l’Histoire de l’être avec les quatre discours de Lacan de façon suivante :
0) la phase archéologique où le trou du sujet $ était ouvert, correspond au discours du maître où le sujet $ se situe dans la place de la vérité, ce qui veut dire que le trou du sujet $ et le trou archéologique du non-rapport sexuel ne font qu’un seul et même trou ;
1) la phase métaphysique et la réobturation du trou par de nouveaux signifiants maîtres S1 dans la phase eschatologique correspondent au discours de l’université où le signifiant maître S1 se situe dans la place de la vérité, ce qui veut dire que le trou du non-rapport sexuel est obturé par le signifiant maître S1 ;
2) le surgissement béant du trou du sujet $ dans la phase eschatologique correspond au discours de l’analyste où le sujet $ se situe dans la place de l’autre, ce qui veut dire que le sujet $ fait le bord du trou apophatico-ontologique de sorte qu’il se manifeste comme un trou béant.
Alors, revenons au schéma des « formes stadiques de l’objet ».
Là la flèche part du stade oral, mais c’est pour autant que Freud suppose que le développement libidinal commence par là à partir du fait empirique que l’être humain commence sa vie comme un bébé qui suce les seins maternels. Lacan renverse cette supposition naïve de Freud : le point de départ est la phase phallique où le trou du non-rapport sexuel ( − φ ) était ouvert. Elle est le point de départ parce qu’elle correspond à la phase archéologique de l’Histoire de l’être et à la structure du discours du maître où le trou de l’être (le trou du sujet $) était ouvert dans sa position centrale et fondamentale.
Cette perspective-là nous permet une nouvelle interprétation du mythe du patriarche (Urvater) que Freud nous raconte dans son Totem et tabou. Il nous le présente là comme un maître tout-puissant qui jouit du rapport sexuel et génital avec toutes les femmes (c’est-à-dire avec La Femme qui est en fait impossible) sans aucune restriction. Ainsi, il nous dit qu’au commencement mythique il existait au moins un pour qui la jouissance phallique de La Femme était pleinement possible. Mais ce n’est qu’un mythe, et un mythe nous dit la vérité par une fiction mythologique. Quelle vérité ? Cette vérité qu’il n’y a pas de rapport sexuel, c’est-à-dire le phallus patriarcal Φ en tant que condition de la possibilité de l’organisation génitale, est en fait impossible (ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire). Ce que le patriarche mythique à la fois nous cache et nous représente, c’est cette vérité-là. Et le discours du maître formalise justement cette vérité par la position archéologique du trou du sujet $ qui est aussi le trou du non-rapport sexuel ( − φ ).
Alors, passons de la phase phallique à la formation du surmoi. Ce processus correspond à la transformation « progressive » de la structure du discours du maître en celle du discours de l’université.
C’est ce processus de transformation structurale que le mythe du meurtre du patriarche mythifie. Les fils (les esclaves) S2 tuent le père (le maître) S1 pour s’installer eux-mêmes dans la place du maître (la place de l’agent). Et ils mangent de la chair du père mort pour incorporer (s’approprier, s’identifier à) la toute-puissance patriarcale, c’est-à-dire le phallus patriarcal Φ tout-puissant et tout-jouissant. Mais puisque ce phallus patriarcal Φ est en fait impossible (ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire), ce qu’il incorpore et ce à quoi ils s’identifient, c’est le signifiant maître S1 en tant que surmoi et idéal du moi, lequel signifiant s’installe dans la place de la vérité pour obturer le trou apophatico-ontologique. Le désir archéologique $ est maintenant archirefoulé dans la place de la production (la place de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire), et le petit a qui était La Femme impossible dans le discours du maître, apparaît maintenant dans la place de l’autre en tant que femmes (des femmes qui existent comme objet cause du désir) et en tant qu’objet a dans le fantasme.
Si Lacan réduit le surmoi à l’impératif catégorique « Jouis ! », c’est parce que le surmoi S1 est l’héritier du complexe d’Œdipe, lequel suppose la téléologie de l’organisation génitale où devrait se réaliser la jouissance génitale de La Femme.
Mais, en fait, cette téléologie œdipienne est impossible parce que le phallus patriarcal Φ en tant que condition de la possibilité de l’organisation génitale est impossible (ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire). Ainsi, l’exécution de l’impératif surmoïque est aussi une tâche impossible à accomplir. Alors le surmoi ne cesse pas d’ordonner de jouir, ce qui veut dire que l’impératif surmoïque n’est pas simplement « Jouis ! », mais « Jouis toujours encore plus ! ».
C’est cet impératif surmoïque « Jouis toujours encore plus ! » qui conditionne la multiplication indéfinie et répétitive du plus-de-jouir a.
Si Lacan ne nomme pas cette structure « discours de l’obsessionnel », nous pourrions ainsi appeler le discours de l’université par rapport au discours de l’hystérique.
Alors, passons à la régression du discours du maître au discours de l’hystérique.
Maintenant, ce qui caractérise le discours de l’hystérique est très clair : c’est la position de l’objet a prégénital qui obture le trou du non-rapport sexuel. C’est en cela que consiste la fixation orale de l’hystérique.
Nous pouvons maintenant situer dans cette structure-là ce que Freud appelle identification hystérique. C’est bien par le moyen de l’objet a oral que la spirituelle bouchère (cf. le chapitre IV de L’Interprétation du rêve) qui se refuse la jouissance du caviar, s’identifie avec son amie qui se refuse la jouissance du saumon fumé. Elles ne se soumettent pas à l’impératif surmoïque ni elles ne poursuivent la multiplication du plus-de-jouir, mais elles se défendent contre l’angoisse devant le trou du non-rapport sexuel simplement au moyen de l’objet a qui l’obture.
Et nous pouvons voir là aussi la position de Dora $ qui s’interroge sur la jouissance de La Femme S2 (incarnée par Madame K) par l’intermédiaire de son père S1, l’impuissance duquel est représentée par l’impuissance du S1 d’obturer le trou, puisqu’il n’est que le bord du trou, non pas le phallus Φ qui obturerait le trou du non-rapport sexuel.