2021年6月30日

Ce que Lacan veut dire quand il dit que « personne qui habite la langue japonaise n’a besoin d’être psychanalysé » – un essai d’explication à partir de l’ontologie apophatique en tant que fondement pur de la psychanalyse

 

Contribution d’un analyste lacanien au Japon : Ce que Lacan veut dire quand il dit que « personne qui habite la langue japonaise n’a besoin d’être psychanalysé » – un essai d’explication à partir de l’ontologie apophatique en tant que fondement pur de la psychanalyse


 


 
Aux États-Unis, on compte maintenant les psychanalystes parmi les espèces en danger à cause du manque de jeunes candidats et du vieillissement de ceux qui exerce le métier [1]. La situation au Japon est pire : la liste [2] de la Japan Psychoanalytic Society ne compte que 41 analystes (dont 7 émérites) tandis que la population japonaise compte plus de 120 millions de personnes. Parmi ces 34 analystes en fonction, au moins vingt ont plus de 60 ans et environ dix ont plus de 70 ans. On dit qu’on a chaque année entre un et trois nouveaux analystes, ce qui veut dire que le nombre d’analystes affiliés à l’IPA restera toujours dérisoire par rapport à la population totale. Quant aux lacaniens, les analystes qui ont été formés à Paris et qui pratiquent actuellement au Japon, ils sont moins de cinq (moi compris), un chiffre non moins dérisoire.

[1] Leonard, T., « Shrunk – Drugs, yoga, CBT and busy lives are occupying the space once reserved for the shrink’s couch », The Spectator, 25 avril 2015.


Tout cela confirme bien la thèse que Lacan a énoncée il y a cinquante ans : « personne qui habite cette langue, n’a besoin d’être psychanalysé » [3]. C’est-à-dire, dans la société où on parle japonais – cette langue où « on parle chinois pour parler japonais [4] » à cause de sa caractéristique linguistique singulière de la dualité de l’on-yomi et du kun-yomi –, on n’a pas besoin du discours de l’analyste. Précisons encore un peu plus : celui qui habite lalangue japonaise ne veut pas « progresser [5] » du discours de l’université au discours de l’analyste puisqu’il est tout à fait satisfait de ce dont il jouit dans la structure du discours de l’université. De quoi jouit-il là ? De la fixité de la signifiance maîtresse [6] S1 à la place de la vérité.

[3] Lacan parle de la langue japonaise dans ces trois textes : « Lituraterre » écrit en 1971 juste après son deuxième voyage au Japon (dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 11-20), « Avis au lecteur japonais » écrit en 1972 en guise de préface à la traduction japonaise des Écrits (dans Autres écrits, p. 497-499) et « Postface au Séminaire XI » écrit en 1973 (dans Autres écrits, p. 503-507). On a par ailleurs le texte de ses propos énoncés le 21 avril 1971 devant les traducteurs japonais des Écrits. C'est dans son Avis au lecteur japonais (Autres écrits, p.498) que Lacan dit que « personne qui habite cette langue [ le japonais ], n’a besoin d’être psychanalysé ».

[4] Lacan, J., « Avis au lecteur japonais », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 498.

[5] Dans le schéma présenté par Lacan à la dernière page de « Radiophonie » (dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 447), le « progrès » signifie la transformation structurale qui part du discours du maître et qui arrive, en passant par le discours de l’université, au discours de l’analyste, tandis que la « régression » est la transformation du sens inverse. Notons qu’il est écrit là que « le discours du maître s’éclaire par régression du discours de l’hystérique », mais il faut lire : « le discours du maître s’éclaire par régression au discours de l’hystérique », puisque « c’est d’un effet de régression par contre que s’opère le passage [du discours du maître] au discours de l’hystérique » (ibid., p. 436). Dans ce sens, la transformation du discours de l’université au discours de l’analyste est un « progrès », tandis que celle du discours de l’analyste au discours de l’université est une « régression ». Et c’est exactement de cette régression qu’il s’agit quand Freud dit qu’on fait régression de l’organisation génitale à un stade prégénital dans sa position libidinale.

[6] On peut appeler « signifiance maîtresse » le signifiant maître S1 posé à la place de la vérité dans le discours de l’université, puisqu’il se situe dans la place de signifié par rapport au signifiant S2. On peut observer chez les paranoïaques une pareille fixité de la signifiance maîtresse S1 (Wahnbedeutung).


L’histoire et les caractéristiques de la langue japonaise

Le japonais appartient aux langues japoniques qui constituent une famille isolée, complètement différente en genèse et en structure de toutes les autres.

Le proto-japonais n’avait pas de lettre et son vocabulaire était limité. Au cinquième siècle, l’introduction de caractères et de mots chinois a commencé pour importer la civilisation chinoise très développée.

Puisqu’il était pratiquement impossible de traduire tous ces mots et idées compliqués dans le proto-japonais illettré, les Japonais ont introduit dans leur propre langue un grand nombre de mots chinois écrits en sinogrammes et prononcés de façon pseudo-chinoise, c’est-à-dire qu’on les prononce dans la mesure du possible en en imitant la vraie prononciation. Cette prononciation japonisée est ce qu’on appelle on-yomi d’un mot chinois.

En même temps, on a commencé à écrire des mots proto-japonais avec des sinogrammes phonogrammatisés, c’est-à-dire que l’on en sépare le côté de signifiant du côté de signifié et néglige ce dernier. Cette phonogrammatisation d’idéogrammes chinois a produit au neuvième siècle les deux systèmes de phonogrammes japonais, le katakana et le hiragana.

Alors on comprend pourquoi Lacan dit que le japonais est « la traduction perpétuelle faite langage [7] ». Pour entendre ce qui est dit en japonais, il faut traduire en japonais des mots chinois qui y sont compris, puisqu’ils sont comme tels asémantiques pour les Japonais dont peu parlent chinois. Donc on doit assigner à chaque mot chinois une signifiance a priori déterminée, et c’est ce qu’on appelle kun-yomi d’un mot chinois.

[7] Lacan, J., « Lituraterre », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 20.

Telle était la langue dans une société plus ou moins fermée au monde occidental jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Alors, en 1853, est survenue l’expédition de navires américains en vue d’imposer au gouvernement japonais les relations diplomatiques et commerciales avec les États-Unis, ce qui provoqua la fin des deux siècles d’isolationnisme. Le pays qui était encore féodal est forcé à s’ouvrir aux discours de la science et du capitalisme occidentaux.

Alors, ce qui s’est passé en langue japonaise, c’est ceci : d’innombrables mots et idées occidentaux y ont été introduits et traduits en hâte en deux ou trois décennies dans la dernière moitié du XIXe siècle. Ce qui est là caractéristique, c’est qu’ils ont été traduits avec des néologismes sinogrammatiques composés typiquement de deux caractères chinois et prononcés de façon pseudo-chinoise.

Cette inondation de néologismes qui sont comme tels asémantiques a rendu l’être parlant japonais incapable de penser. C’est fondamentalement cette incapacité qui entraîne le gouvernement japonais dans la Seconde Guerre mondiale qui finit par la défaite catastrophique en 1945, c’est-à-dire moins de quatre-vingts ans après le commencement en 1868 de la participation du Japon au monde international.

Après la défaite, sous l’occupation américaine, a commencé – et cela continue et continuera toujours – l’introduction d’innombrables mots américains qui, maintenant, ne sont plus traduits du tout : ils sont prononcés de façon pseudo-américaine et écrits avec des phonogrammes japonais selon leurs prononciations pseudo-américaines.

Cette nouvelle inondation de néologismes asémantiques ne peut qu’aggraver l’incapacité de penser en japonais. Nous pouvons en voir les conséquences dans la situation actuelle : face à la pandémie de Covid-19, le gouvernement japonais ne peut ni ne veut prendre des mesures efficaces et drastiques et prétend seulement qu’on peut se confronter à la difficulté avec l’esprit japonais, c’est-à-dire qu’il a la même idée délirante agitée que pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour se représenter quelle est la langue japonaise d’aujourd’hui, on pourrait imaginer une situation où, en français, beaucoup de noms et de verbes sont remplacés par des mots grecs ou russes qui sont écrits avec l’alphabet grec ou cyrillique et prononcés de façon pseudo-grecque ou pseudo-russe. Quel cauchemar ! Ce serait pareil ou pire que ce Wortsalat (salade de mots) que James Joyce a composé sous le titre de Finnegans Wake. Le japonais est ainsi fait.

Ces deux aspects – la non-nécessité de la psychanalyse et l’incapacité de penser chez l’être parlant japonais – sont conditionnés par la même chose : la fixité de la signifiance maîtresse S
1 donnée a priori à la place de la vérité, sans laquelle on ne pourrait rien dire et on ne pourrait rien se communiquer dans cette langue qui comprend trop de signifiants asémantiques.


L’introduction de l’ontologie apophatique en tant que fondement pur de la psychanalyse

Pour l’expliquer, commençons par introduire l’ontologie apophatique [8] en tant que fondement pur [9] de la psychanalyse.


[9] Quand je dis ici « pur », cela signifie non seulement « non empirique », mais aussi bien « non métaphysique », pour autant que la pensée de Heidegger consiste dans la critique de toute la tradition de la métaphysique.

Tout l’enseignement de Lacan consiste à fonder la psychanalyse de façon pure sur la topologie et la phénoménologie du trou central, fondamental et irréductible du sujet $, et ce afin de former et de qualifier un nouvel analyste seulement en fonction de ce qui se passe dans l’expérience analytique, non pas par des critères qui y sont extrinsèques tels que la durée et la fréquence de la séance, les années totales de l’analyse, la thèse présentée devant le jury, etc.

Qu’il ne s’agisse dans l’enseignement de Lacan de rien d’autre que du fondement pur de la psychanalyse, nous pouvons le constater par ces trois citations :

C’est là le problème des fondements [de la psychanalyse] qui doivent assurer à notre discipline sa place dans les sciences : problème de formalisation, à la vérité fort mal engagé [10].

[10] Lacan, J., « Rapport de Rome » (1953), dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 284.

Je vais vous parler des fondements de la psychanalyse [11].

[11] Lacan, J., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, p. 7, Leçon du 15 janvier 1964.

J’ai énoncé – en le mettant au présent – qu’il n’y a pas de rapport sexuel. C’est le fondement de la psychanalyse [12].

[12] Lacan, J., Le Séminaire, Livre XXV, Le moment de conclure, inédit, Leçon du 11 avril 1978.


Si l’on date le commencement de son enseignement à 1953, on voit que Lacan ne cesse pas là de s’interroger depuis le commencement jusqu’à la fin sur le fondement pur de la psychanalyse. Il n’y a aucune discontinuité ni aucun virage à ce propos. Ce que l’on appelle « tout dernier enseignement de Lacan » n’est rien d’autre que la réponse conclusive à cette question fondamentale et cruciale : ce qui fait le fondement pur de la psychanalyse, c’est un trou – le trou du non-rapport sexuel [13].

[13] Lacan dit qu’« il n’y a pas de rapport sexuel – ça fait trou en un point du parlêtre », que « l’inconscient, c’est le réel en tant que chez le parlêtre il est affligé de la seule chose qui fasse trou », et que « le départ de tout nœud social se constitue du non-rapport sexuel comme trou » (« Le Séminaire, Livre XXII, R.S.I. », inédit, Séance du 15 avril 1975).
 
Si la formule « il n’y a pas de rapport sexuel » nous a été présentée pour la première fois dans le séminaire D’un Autre à l’autre (1968-1969), nous pouvons voir Lacan mettre en question la possibilité du « rapport sexuel » dès le « Rapport de Rome » avec cette expression : la « mythologie de la maturation instinctuelle [14] ».

[14] Lacan, J., « Rapport de Rome » (1953), dans Écrits, p. 263.

C’est-à-dire, la formule « il n’y a pas de rapport sexuel » signifie l’impossibilité de l’organisation génitale où, selon la supposition freudienne du développement libidinal, toutes les pulsions prégénitales seraient synthétisées sous le primat du phallus pour servir la procréation en tant que finalité de la sexualité de l’être humain.

Donc le trou du non-rapport sexuel est le trou du phallus impossible qui ne cesse pas de ne pas s’écrire – ce phallus sous le primat duquel se réaliserait la maturation pulsionnelle : le phallus paternel, ou plus exactement le phallus patriarcal, c’est-à-dire le phallus de l’Urvater mythologique qui serait tout-puissant et tout-jouissant [15].

[15] Cf. Sigmund Freud, Totem et Tabou (1913).

Ce phallus patriarcal impossible, nous pouvons le retrouver dans les formules de la sexuation où Lacan met une barre horizontale de négation sur le phallus Φ, laquelle n’en marque pas là simplement la négation, mais plus exactement l’impossibilité.


Que le phallus patriarcal qui est mythologique et métaphysique – métaphysique puisqu’il est téléologique en tant que sa finalité est supposée consister dans la procréation – soit impossible est dévoilé au moment même où la métaphysique s’est achevée chez Nietzsche, le philosophe du renversement du platonisme, qui, en tenant pour irréelle et caduque l’ἰδέα platonicienne en tant que τὸ ὄντως ὄν éternel et immuable, l’a remplacée par la volonté de puissance (Wille zur Macht) qui ne cesserait jamais de vouloir encore plus de puissance (Mehr-Macht) [16].

[16] C’est bien la volonté de puissance et le surhomme de Nietzsche que Freud redécouvre dans son concept du surmoi, qui, comme Lacan le formule, nous force à jouir toujours et encore plus par son impératif catégorique : « Jouis ! »

Heidegger découvre là le fondement abyssal (Ab-grund) de la métaphysique qu’il désigne avec le mot Sein (être) biffé d’une croix (das durchgekreuzte Sein). Nous le biffons plus simplement d’une ligne : Sein ou être. Et je suppose que c’est précisément à partir de ce Sein que Lacan a inventé son mathème du sujet barré $.


Peter Trawny, l’éditeur des Cahiers noirs, appelle le penser de Heidegger d’après-guerre das Denken des Seyns (le penser de l’être) puisque le mot biffé Seyn s’y trouve partout. Nous pourrions l’appeler « ontologie apophatique » ou « topologie apophatico-ontologique » dans la mesure où Heidegger met au centre de son penser la topologie de la localité de l’être (die Topologie der Ortschaft des Seyns).

Bien que Heidegger ne dise pas Loch des Seyns (trou de l’être), il se trouve dans ses textes des mots tels que Riß (déchirure), Zerklüftung (fente), Abgrund (abîme, abysse) et Ab-grund (le fondement abyssal). Donc nous pourrions dire qu’il s’agit dans sa Topologie der Ortschaft des Seyns de la topologie du trou du sujet barré $, autrement dit le trou apophatico-ontologique.

Alors nous pouvons résumer et formaliser avec la topologie et des mathèmes lacaniens ce que Heidegger appelle Geschichte des Seyns (Histoire de l’être) comme ceci (cf. Figure 1) :



0) ἐν ἀρχῇ – dans la phase « archéologique » de l’Histoire de l’être – était le trou du sujet $.

1) La phase métaphysique commence par l’obturation du trou du sujet $ par l’ἰδέα platonicienne que nous pouvons considérer comme le premier de l’essaim de signifiants maîtres S
1 posés dans la place de la vérité et qui l’archirefoule (urverdrängen) dans la place de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est-à-dire la place de la production. On oublie cet archirefoulement, mais il laisse sa trace au bord du trou (la place de l’autre) où se situe l’objet a. Par là nous avons la structure de l’aliénation et celle du discours de l’université.

2) La phase eschatologique commence par l’annulation de l’obturation métaphysique du trou. Nous pouvons considérer que cette annulation a eu lieu à la fin de ce que Michel Foucault appelle âge classique. Alors le trou apophatico-ontologique veut s’ouvrir et le trou du sujet $ veut surgir dans la structure de la séparation et celle du discours de l’analyste. Mais, en même temps, des résistances intenses s’y opposent par la réobturation du trou au moyen de nouveaux signifiants maîtres S
1 institués dans la place de la vérité et par la dissimulation du trou au moyen de l’objet a qui se répète et se multiplie indéfiniment au bord du trou, puisque le surgissement du trou du sujet $ provoque les angoisses intenses du néant, de la mort et du péché originel, c’est-à-dire ce que Freud appelle angoisse de castration. Ainsi, la phase eschatologique de l’Histoire de l’être où nous vivons actuellement se caractérise par la pulsation temporelle de l’aliénation et de la séparation (cf. Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse), c’est-à-dire par des va-et-vient qui se répètent indéfiniment entre la structure du discours de l’université et celle du discours de l’analyste.

Ce que Lacan nous démontre comme trou du non-rapport sexuel et trou du phallus patriarcal impossible, ce n’est rien d’autre que ce trou apophatico-ontologique. Le phallus patriarcal Φ est un des S
1 métaphysiques qui sont en fait incapables de l’obturer. Nous pourrions dire que c’est à partir de sa rencontre avec ce trou que Freud a formulé le complexe de castration.

Alors la psychanalyse consiste dans la phénoménologie pratique (non pas spéculative comme la phénoménologie hégélienne) du trou du sujet $ (non pas le sujet substantiel de la dialectique hégélienne) qui est archirefoulé dans la place de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire dans la structure du discours de l’université et qui va surgir comme un trou qui ne cesse pas de s’écrire dans la structure du discours de l’analyste. La fonction de l’analyste consiste à aider et à soutenir le surgissement angoissant du trou du sujet $. Pour pouvoir le faire, l’analyste doit être lui-même, an und für sich, le trou du sujet $, ce que Lacan appelle désir de l’analyste, ce désir qui s’est sublimé dans sa propre expérience analytique. Le nœud de trèfle que Lacan nous présente à la fin de son séminaire « Le moment de conclure » (1977-1978) serait ce signe de l’amour en tant que sublimation du désir. À cet égard, nous pourrions dire que le nœud de trèfle est un nouvel S(Ⱥ) en tant que signifiant de la fin de l’analyse.


La raison pourquoi l’être parlant japonais est incapable de penser et n’a pas besoin de la psychanalyse

Comme je l’ai déjà suggéré, l’incapacité de penser et la non-nécessité de la psychanalyse chez l’être parlant japonais sont conditionnées par la fixité de la signifiance maîtresse S1 dans la place de la vérité dans la structure du discours de l’université, laquelle fixité, conditionnée par les singulières caractéristiques linguistiques du japonais, empêche la transformation structurale du discours de l’université au discours de l’analyste.

Comme le suggère Lacan dans sa leçon du 29 janvier 1964 du séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, le penser en tant que cogito cartésien consiste dans le doute hyperbolique qui forclôt la signifiance maîtresse S
1 dans la place de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire (cf. Figure 2). Par cette forclusion de la signifiance maîtresse S1 se produit la transformation structurale du discours de l’université en discours de l’analyste où surgit le trou du sujet $ (le sum) au bord du trou. La fixité de la signifiance maîtresse S1 dans le japonais rend impossible le cogito ergo sum cartésien.


La même fixité de la signifiance maîtresse S1 assure à l’être parlant japonais une jouissance dans le discours de l’université, à cause de laquelle il n’a pas besoin du passage dans le discours de l’analyste. C’est cette jouissance de la signifiance maîtresse S1 chez l’être parlant japonais qui fait parler à Alexandre Kojève du « snobisme à l’état pur de la civilisation japonaise » et à Roland Barthes de « l’Empire des signes » qui veut dire en fait la domination du semblant qu’est la signifiance maîtresse S1.

La société japonaise, telle qu’elle existe depuis 1868 jusqu’à aujourd’hui, disparaîtra très probablement dans cent ans à cause de la diminution et du vieillissement de la population conditionnés par le bas taux de fécondité, lequel est conditionné par l’incapacité de penser de l’être parlant japonais qui ne veut rien faire pour le faire augmenter. La disparition d’une nation à cause de sa propre langue : c’est ce que l’on observera de très intéressant dans les siècles à venir.


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